Dans La métamorphose d’une coccinelle, Chantal Bodin nous livre un témoignage poignant, empreint de vérité, de silences brisés et d’émotions à vif. À travers une plume délicate et sincère, l’autrice déroule le fil d’une vie marquée par cette ambivalence des liens familiaux qui fait le lit de l’inceste, les blessures qui l’accompagnent et le long cheminement vers la réconciliation intérieure.

Tout commence par la mort de sa mère. Ce deuil devient le déclencheur d’un retour profond aux racines, aux non-dits, aux souvenirs figés dans la douleur ou l’oubli. Entre la cérémonie d’adieu, la tension palpable entre frères et sœurs, et les photos du passé qui surgissent dans sa boite mail comme des fantômes bienveillants ou accusateurs, Chantal entreprend une métamorphose, au sens littéral du mot. Elle, la « coccinelle » autrefois docile et effacée, déploie lentement ses ailes pour sortir du cocon familial étouffant.

Le récit oscille entre le présent — celui d’une femme, gynécologue, mère de six enfants — et les souvenirs d’une enfance au sein d’une fratrie nombreuse, dans une maison rigide ou l’amour avait été détourné par les actes du père ; dans le silence indispensable à la survie sociale d’une famille dans laquelle les cartes ont été mal distribuées… Lorsque l’inceste est commis… Chantal explore les cicatrices de l’enfance : le poids du silence, les gestes manqués, les rôles imposés aux filles et aux garçons. Elle revisite les figures parentales, notamment celle du père autoritaire, et celle d’une mère tiraillée entre affection maternelle et soumission conjugale.

Mais La métamorphose d’une coccinelle, c’est aussi l’histoire d’un pardon. Celui que l’on ne prononce pas toujours à voix haute, mais que l’on cultive au fil des lettres, des confidences posthumes, des mots que l’on aurait voulu dire. C’est une quête de sens, d’apaisement, une tentative courageuse d’ordonner le chaos du passé pour mieux transmettre l’essentiel à ses enfants.

Dans ce récit de vie, la mémoire familiale se dévoile peu à peu, entre zones d’ombre et éclats de tendresse. Il y a la figure de Lucie, l’enfant mort-née à qui Chantal donne enfin un prénom. Il y a les générations précédentes, les secrets tapis derrière les portraits anciens, les femmes de l’ombre dont la résilience force le respect. Il y a surtout cette urgence à dire, à transmettre, à « ne plus se taire ».

Loin d’un règlement de comptes, ce livre est un acte d’amour. Un hommage à la complexité des liens familiaux, à la maternité sous toutes ses formes, à la force de la parole libérée. Chantal Bodin invite le lecteur à revisiter sa propre histoire, à interroger les héritages invisibles, à accueillir les fragilités avec douceur et lucidité.

La métamorphose d’une coccinelle est une lecture qui bouleverse, éveille, éclaire. Elle parlera à celles et ceux qui ont grandi dans des silences lourds, à ceux qui doutent d’avoir été de  bons » enfants ou de « bons » parents. À tous ceux qui savent que l’intime touche toujours à l’universel.