Dans Bon Sang !, Bernard Mercier nous offre bien plus qu’un récit médical : c’est une plongée sensible dans l’épreuve d’une vie, un témoignage bouleversant sur la fragilité humaine, la résistance de l’esprit et la puissance de la relation aux autres. Derrière un titre à la fois familier et ironique, se cache le journal lucide, parfois drôle, souvent émouvant, d’un psychiatre soudain confronté à sa propre maladie : une atteinte grave du sang, qui bouleverse son existence et son regard sur la vie.
Tout commence par une fatigue banale, une douleur de dos sans gravité apparente. Puis, une prise de sang révèle une « pancytopénie » : effondrement des globules rouges, blancs et des plaquettes. Du jour au lendemain, celui qui accompagnait les souffrances des autres devient patient à son tour. En quelques pages, Bernard Mercier nous plonge dans cette bascule vertigineuse où le quotidien vacille : l’annonce du diagnostic, l’attente, les doutes, la peur sourde et les mille pensées qui affluent quand la vie semble s’arrêter.
Mais ce récit n’est jamais plaintif. Bon Sang ! est traversé d’un humour tendre et d’une formidable vitalité. L’auteur se raconte avec une sincérité désarmante, alternant réflexion, anecdotes et clins d’œil culturels. De Newton à Rabelais, de Lacan à Tintin, de Shakespeare aux Bee Gees, il convoque les figures et les mots qui lui permettent de garder le fil – ce fil ténu entre la gravité et la légèreté, entre la médecine et la poésie. À travers ces références, c’est aussi une façon de résister : rire du tragique pour en rester vivant.
Le livre suit pas à pas son parcours médical : les rendez-vous d’hématologie, les piqûres, la douleur, l’autogreffe, les séjours à l’hôpital. Chaque épisode est raconté avec une humanité rare, soulignant la beauté simple d’un geste, la maladresse d’une stagiaire, la patience d’une infirmière ou la fatigue d’un brancardier. Ces « petits mondes » hospitaliers deviennent le théâtre d’une comédie humaine où se côtoient peur, tendresse, humour et reconnaissance. Et à travers le regard du médecin devenu patient, c’est tout le système de soins qui prend une dimension humaine, vibrante, presque fraternelle.
Peu à peu, le corps faiblit, la dépendance s’installe, la douleur envahit l’espace. Pourtant, jamais la vie n’est absente : la nature derrière la fenêtre, les gestes du quotidien, les appels des proches, les souvenirs de patients, la musique ou la tendresse d’une main – tout cela continue de tisser du sens. L’auteur médite sur la régression, sur ce retour à l’essentiel, à l’enfance, sur la liberté paradoxale que donne la maladie : celle d’être enfin dans l’instant présent.
Sous sa plume, le sang devient symbole : organe de lien, de circulation, de partage. À travers cette épreuve, Bernard Mercier redécouvre ce qu’il a toujours cherché chez ses patients : l’envie de vivre, coûte que coûte, même au ralenti, même au bord de l’inconnu.
Bon Sang ! est ainsi le cri d’un homme qui refuse la résignation, qui trouve dans l’humour et la lucidité un remède aussi puissant que la médecine. C’est un récit sur la peur et le courage, la douleur et la gratitude, mais surtout sur ce qu’il reste quand tout s’effrite : la dignité, la curiosité, et la foi en l’humain.
Un témoignage lumineux, profondément humain, qui parlera à tous ceux qui ont traversé la maladie, accompagné un proche, ou simplement connu la fragilité. À chaque page, on sent battre ce « bon sang » – celui de la vie, têtu, vibrant, indestructible.

