Une quête intime et universelle

À la genèse de cet ouvrage, il y a un court billet de l’écrivain Ivan Turgueniev. Il évoque l’influence bienfaisante sur l’âme de la poésie des grands arbres et des montagnes environnantes. Chez Jeanne Moll, ces quelques lignes vont surgir une question existentielle : Quand la question de l’âme a-t-elle commencé de me tarauder ?

Pour l’auteur, une quête commence. Elle nous entraîne dans les paysages de son enfance, entre éducation catholique et souvenirs d’amitiés perdues, pour mieux interroger ce qui vibre en nous face à la beauté, à la musique, à la douleur, à l’amour. L’âme, ici, n’est pas une abstraction : elle est ce souffle qui nous relie aux autres, ce miroir dans lequel se reflète notre humanité.

À travers une écriture délicate et habitée, Jeanne Moll tisse les fils d’une réflexion nourrie par la psychanalyse, la littérature, la spiritualité et l’expérience personnelle. Elle convoque les voix de François Cheng, Christian Bobin, Marina Tsvetaeva, Freud ou encore Svetlana Alexievitch pour éclairer les zones d’ombre de notre intériorité. Chaque citation, chaque anecdote devient une pierre sur le chemin, une balise dans la nuit.

Le livre explore les multiples visages de l’âme : celle des enfants en peine, des exilés, des artistes, des soldats brisés, des maisons habitées, des villes meurtries, des peuples déracinés. L’âme devient alors le fil rouge d’une humanité blessée mais résistante, capable de beauté et de fraternité même dans les pires ténèbres. On y croise Théo, rescapé d’un camp, en quête de sa part perdue ; on entend les mots d’un père cambodgien craignant de perdre son âme dans la vapeur d’un hiver français ; on découvre les maisons Athos, créées pour soigner l’âme des soldats.

Mais Cheminer vers l’âme est aussi un manifeste contre l’effacement de l’intériorité dans nos sociétés modernes. Jeanne Moll dénonce avec finesse la domination du corps, du paraître, du consumérisme, et plaide pour une réhabilitation de l’âme comme lieu de résistance, de lien, de verticalité. Elle nous rappelle que l’âme est ce qui nous rend vivants, ce qui nous relie à la beauté du monde, à la mémoire des ancêtres, à la voix des poètes.

Ce livre est un appel à ralentir, à écouter, à ressentir. Il nous parle de transmission, de mémoire, de spiritualité laïque, de pédagogie du cœur. Il touche à l’universel en partant de l’intime. Il nous invite à retrouver ce lieu en nous où l’on peut encore rêver, aimer, espérer.

« À la fin, il reste l’âme », écrit François Cheng. Et c’est bien ce que ce livre nous murmure, page après page : que malgré les blessures, les exils, les silences, il existe en chacun de nous un sanctuaire inviolable, une lumière fragile mais tenace, une part de ciel.