Et si nos racines se racontaient à travers les silences ?
Nadva d’Anny Poursinoff est un récit bouleversant d’exil, de filiation et de mémoire. Un voyage à cœur ouvert, entre Lorraine et steppe russe, entre ce qui est tu et ce qui nous construit.
Avec Nadva, Anny Poursinoff nous ouvre la porte d’une mémoire intime et collective, celle de sa famille marquée par l’exil, le silence, les guerres, mais aussi la tendresse et la résilience. Ce récit bouleversant nous entraîne dans une quête d’identité à travers le regard d’une petite-fille devenue narratrice, curieuse de comprendre l’histoire enfouie de ses aïeux venus de Russie, et d’éclairer les zones d’ombre de son propre passé.
Tout commence avec une photo ancienne, celle du petit Nadva, son grand-père, né dans la province du Don, en Russie, au début du XXe siècle. À travers lui, c’est toute une lignée qui refait surface : Cosaques, réfugiés, travailleurs déracinés fuyant la guerre civile russe, ballottés par l’histoire et les frontières. La France devient leur terre d’accueil. Nadva, ce grand-père taiseux et digne, n’a jamais parlé de son voyage, de ses douleurs. C’est donc à la narratrice d’assembler les pièces du puzzle, entre documents d’archives, souvenirs familiaux et intuitions profondes.
Mais Nadva n’est pas seulement un récit d’exil. C’est aussi l’histoire d’une enfance lorraine dans les années 1950-60, rude et lumineuse à la fois. Une maison pleine d’enfants, une mère accaparée par les tâches du quotidien, un père ébéniste blessé dans son corps et son âme, marqué par la guerre d’Indochine. Au fil des pages, l’autrice dessine les contours d’un monde rural où se côtoient les joies simples – les oies, le potager, les jeux de cour – et les blessures tues – pauvreté, tensions conjugales, non-dits, maladie.
Un fil rouge traverse le livre : le silence. Celui des hommes revenus du front, celui des femmes étouffées par le devoir, celui des enfants devenus trop vite grands. Et peu à peu, surgissent les secrets : un enfant oublié sur une photo de mariage, des origines dissimulées, des souvenirs étouffés par la peur. Anny Poursinoff, avec une écriture sensible et pudique, tente de briser ces silences, de nommer l’indicible, pour se réconcilier avec son histoire et transmettre autrement à ses propres enfants.
Le récit oscille entre passé et présent, entre villages de Meuse et souvenirs d’Yport, entre gestes d’amour maladroits et élans de tendresse fugaces. La figure du père, centrale, s’impose comme un personnage complexe, parfois dur, souvent silencieux, mais dont l’amour passe par les mains, par le bois travaillé, par les rares instants partagés. Ce père, elle le regarde longtemps à travers une vitre, jusqu’au jour où un accident la propulse dans un rôle inattendu et scelle entre eux une connivence nouvelle.
En racontant Nadva, Anny Poursinoff nous invite à revisiter nos propres histoires, à questionner nos origines, à accueillir les silences comme des lieux de mémoire. C’est un livre de transmission, d’amour filial et de réconciliation. Un hommage vibrant à ceux qui, dans l’ombre, ont bâti nos fondations.