Née en 1939 à Lille, juste avant l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, Françoise Coliche nous livre dans Une vie au fil de l’eau un témoignage bouleversant, une fresque intime et lumineuse d’un destin façonné par l’Histoire, les silences familiaux, les blessures tues et les élans du cœur. Dans ce récit de vie à la fois personnel et universel, l’autrice retrace avec une sincérité désarmante son parcours de femme, de fille, de sœur, d’enseignante, et de militante, tissé au fil de souvenirs forts et d’émotions à fleur de peau.

Dès les premières lignes, le lecteur est happé par l’ambiance du Nord sous l’Occupation, par la fragilité de l’enfance marquée par l’exode, les bombardements et l’absence du père prisonnier. Mais Françoise ne se contente pas de survivre : elle choisit, envers et contre tout, de vivre. Et c’est bien là la ligne de force de ce récit : la volonté, farouche et profonde, de choisir la vie, malgré les peurs, les obstacles, les non-dits.

À travers ses années de formation, de désillusion religieuse, ses engagements dans l’enseignement et le travail social, puis sa découverte d’une vocation éducative nourrie de philosophie et de justice sociale, Françoise construit son identité, lentement mais avec conviction. Chaque chapitre de Une vie au fil de l’eau nous emmène dans une époque – des années 1940 jusqu’à nos jours – mais surtout dans les recoins du cœur, là où se nichent les grandes décisions, les joies profondes, les blessures secrètes.

Ses lieux de vie – Lille, Lyon, Paris, La Réunion – deviennent des personnages à part entière. Ils incarnent la mémoire des transformations intimes et sociales : l’évolution du rôle des femmes, les fractures générationnelles, la place de l’engagement, la transmission familiale. On y croise une galerie de figures attachantes : sa Bonne-Maman, pilier discret et chaleureux ; ses frères et sœurs, si différents ; son père, résistant puis élu ; ses élèves, parfois troublants miroirs de sa propre quête.

Dans ce récit traversé par la guerre, la foi, l’amour du savoir et l’engagement citoyen, la mer du Nord et la Deûle sont les fils bleus d’une vie en mouvement. Car Une vie au fil de l’eau n’est pas seulement une autobiographie : c’est un témoignage vivant sur la manière dont on devient soi, au gré des courants, contre les vagues, porté parfois par le simple désir d’exister pleinement, d’aimer, de comprendre. Touchant, sincère, souvent poétique, ce récit résonne en chacun de nous par son humanité profonde. Que l’on ait grandi dans le tumulte ou dans le silence, que l’on soit fille du Nord ou enfant d’ailleurs, on y retrouve l’écho d’une question essentielle : comment traverser la vie en restant fidèle à ce qui nous rend vivants ?